mardi, septembre 27, 2005

La rêve de la raison en sommeil

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La gravure de Francisco de Goya, El sueno de la razon produce monstruos, date de 1797-8, vers la fin du siècle qu’on nomme typiquement « le siècle des Lumières ». L’image dépeint un homme assis à une table, sa tête accoudée, apparemment en train de dormir. Autour de lui il y a une effusion de chauve-souris et de hiboux en vole menaçant. En bas, dans le coin droit, il y a un sorte de chat qui regarde fixement l’homme. Le titre est écrit en gros sur la face de la table et fait partie de l’image elle-même. Les éléments visuels de l’image sont assez simple, mais le sens du titre, et alors la signification des parties visuelles, reste sur une grande ambiguïté dans le mot espagnole « sueno », qui à la fois a le sens de « sommeil » et de « rêve ».

Si on comprends « sueno » dans le sens de « sommeil », l’importance de la gravure semble assez claire : dès que les humains se distancent de leur facultés de raison, ils seront encombrés par des monstres de l’irrationalité. Mais l’identité (ou la forme) de ses monstres n’est pas évidente. Notre problème se dégage du rapport entre les mots « raison » et « irrationalité ». Ce qui est irrationnel et simplement ce qui n’est pas envisagé par la raison. Il y a alors une supposition au fond de l’idée de « raison ». À savoir, qu’il existe une vérité commune à tous. On pense aux grands philosophes du siècle des Lumières et à leur précurseurs du le dix-septième siècle. Pour Descartes par exemple, le sommeil de la raison accouchera certainement d’une déchéance morale qui comportera une suspension de la foi en Dieu, et peut-être aussi un retour des mœurs et des opinions « fort incertaines ».

Quoique Descartes a écrit au dix-septième siècle, il fait certainement partie du courant intellectuel du siècle des lumières. On pourrait peut-être même dire que la pensée de Descartes était une des sources du fleuve d’activité intellectuelle qui se développera au long du dix-huitième siècle. À cet égard, ce n’était pas précisément les pensées de Descartes qui ont déclenchés la révolution intellectuelle du siècle des Lumières, mais sa manière de penser. Par sa méthode de « méditations », Descartes a revendiqué pour l’être humain la droit de penser pour soi-même. Mais quoique le processus que Descartes suivait était foncièrement personnel, les conclusions qu’il cherchait ne l’était pas. Son but était des vérités universelles et fondatrice. La raison pour Descartes donnait l’homme un accès aux certitudes du monde réel.

Dans la gravure de Goya, l’homme à la table suggère clairement un homme pensant dans la tradition de Descartes. Qu’il soit endormi est presque certain, mais on ne sait pas pourquoi il s’est endormi. On est in media res ; l’image ne représente qu’un moment, mais elle suggère toute une histoire. La première histoire, dont on a déjà parlé, concerne la déchéance morale qui arrive quand la raison est en déclin. Pour examiner la deuxième interprétation, on doit retourner au deuxième sens du mot « sueno ». Comprendrons « sueno » comme « rêve », l’histoire suggérée est très différente. La raison est maintenant un idéal éphémère, un concept qui a été inventé, mais qui ne peut pas être réalisé dans le monde réel.

Mais pourquoi ? C’est bien la question évidente. Le problème se dégage de l’idée qu’un homme (ou même un groupe d’hommes) puisse, par rien d’autre que ses propres pensées, arriver à des vérités qui sont extérieurs à lui, et qui sont alors indéniables et commun à tous. Déjà dans l’idée du penseur méditatif on voit l’opposition entre le penseur lui-même, qui est tout seul avec ses pensées, et l’objet prétendu de ses pensées, les vérités du monde et de l’humanité. L’homme qui arrive à trouver des vérités universelles devient une sorte de prêtre de la vérité, et il peut affecter les relations humaines, les actions acceptables, et les croyances correctes pour le reste de la société. De cette manière, la raison devient une force hégémonique par excellence. Elle est particulièrement pernicieuse parce qu’elle à l’air de ne pas être le domaine d’un personne ou d’un groupe ; elle prétend être apolitique.

C’est ce pouvoir politiquement et socialement répressif de la raison qui est souligné par la gravure quand on comprend le mot « sueno » dans le sens de « rêve ». La rêve de la raison, la croyance qu’il y a des vérités universelles, produit des monstres d’oppression. Ces mœurs que Descartes raillait faisaient peut-être partie d’une culture traditionnelle, chérie par son peuple [1]. Dans cet récit de l’image, l’homme ne voit pas les montres qui l’entoure. Il pense qu’il est en train de découvrir les vérités du monde par ses facultés de raison, mais en réalité il est perdu dans un rêve qui commence dès qu’il acquiesce au mythe de la raison.

Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que ses rêves ne reste pas a l’intérieure de sa tête. Comme la raison n’est pas simplement une activité personnelle, mais aussi une construction sociale, les rêves de l’homme sortent de sa tête et affectent le monde dans lequel il vit. De la pensée d’un homme solitaire le rapports sociales et politiques sont transformés. Cette tension dans la praxis de la raison existe encore en notre société contemporaine. Plusieurs pays du monde sont divisés en groupes—politiques, religieux, et économiques—la plupart desquelles prétends avoir la raison comme fondations de leurs opinions. Je ne suggère pas que la raison devrait être complètement vidée son statut apolitique, mais plutôt qu’on devrait prendre soin de voir les possibilités rationnelles dans les opinions auxquelles on est opposé. Comme le chat qui regarde l’homme qui dort, sans craindre les apparitions menaçantes, on doit essayer de voir les systèmes de raison comme les structures de pensée qu’ils sont. Ils ont fréquemment une intégrité intérieure, mais ils ne peuvent pas comprendre tout et alors il y aura souvent une pluralité de perspectives raisonnables.


[1] Descartes n’est pas spécifique alors cette idée est entièrement une conjecture, mais je crois qu’il y a bien des examples dans l’histoire des trois derniers siècles où la raison a été utiliser pour interdire des habitudes commun.

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